Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

marine le pen - Page 17

  • Union nationale ? Non : sidération, récupération et manipulation...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une excellente analyse de Jean-Yves Le Gallou, cueillie sur le site de Polémia et consacrée à l'opération de manipulation et de récupération menée par le pouvoir à la suite des attentats islamistes des 7, 8 et 9 janvier...

     

    11 janvier chefs d'état.jpg

    Union nationale ? Non : sidération, récupération et manipulation

     

    Hollande est un grand président. Il va remonter dans les sondages. L’attaque contre Charlie Hebdo et l’hyper casher de Vincennes sont des aubaines pour lui. Le voici devenu père de la nation, l’artisan d’un nouveau consensus français : « Ensemble », et le président autour duquel la planète se presse. Mieux que l’Union nationale, l’Union mondiale ! Chapeau, l’artiste !

    Et pourtant les événements de Paris, Dammartin-en-Goële et Vincennes sont la conséquence de quarante ans de politique migratoire (depuis le regroupement familial décidé par Chirac en 1976) : une politique à laquelle toute la classe politique défilante a pris sa part :

    - L’immigration galopante, d’abord, s’accélérant à chaque pseudo alternance : du RPR ou de l’UMP vers le PS, mais aussi du PS vers l’UMP.

    - La folle politique de la nationalité, consistant à donner le titre de Français à des Coulibaly ou des Kouachi qui ne le sont ni par l’origine, ni par la culture, ni par leur cœur.

    - L’échec des politiques d’intégration poussant à choyer et à présenter comme modèles des voyous de banlieue : les frères Kouachi invités par France 2 (chaîne de service public) comme rappeurs, puis pour l’un d’entre eux bénéficiant d’un emploi aidé à la mairie de Paris comme « ambassadeur du tri » (sic !). Coulibaly était reçu en 2009 par le président Nicolas Sarkozy à l’Elysée : l’occasion d’obtenir un portrait flatteur dans Le Parisien. Coulibaly et Kouachi n’étaient pas considérés comme des marginaux mais comme des exemples.

    Des « exemples » dont la place aurait été en prison si nous n’avions pas une folle politique judiciaire.

    Car c’est aussi la politique sécuritaire des gouvernements successifs qui a été mise en échec : 10 lois liberticides contre le terrorisme, pour quels résultats ? Un manque de jugeote des services consistant à alléger le dispositif de protection de Charlie Hebdo… à l’automne 2014 : bravo Cazeneuve, bravo Boucault !

    Et c’est au moment où les gouvernants ont laissé s’implanter une immigration musulmane de peuplement en France qu’ils ont déstabilisé les gouvernements arabes laïcs en Irak, en Egypte, en Libye et en Syrie, et qu’ils ont encouragé la fabrication du monstre islamiste. Pourtant deux acteurs du chaos syrien, le Turc Erdogan et l’Israélien Netanyahou ont été invités à défiler à Paris…

    A vrai dire, ce fut le défilé des incendiaires : politiques de Sarkozy à Hollande, internationaux de Cameron à Merkel, associatifs de SOS-Racisme à l’UOIF qui avait réclamé l’interdiction des dessins sur Mahomet.

    Le défilé du 11 janvier fut ainsi un éloquent symbole de l’unanimisme cosmopolite de la superclasse mondiale servie par les médias de propagande.

    Le défilé du 11 janvier 2015, c’était un peu comme une marche silencieuse pour le droit des enfants, avec au premier rang Marc Dutroux, Emile Louis et Patrick Henry.

    Propagande univoque et silence du FN

    Ce qui est le plus sidérant – au sens propre du terme – c’est l’absence totale de prise de recul et de réflexion critique de la part des médias mainstream.

    Le Front national lui-même semble avoir été réduit au silence : soit parce qu’il n’a pas eu la parole ; soit parce que ses principaux dirigeants ont fait profil bas. A l’image de ce premier tweet de Florian Philippot : « Horreur, infinie tristesse » ; ou de la « déclaration solennelle » de Marine Le Pen évoquant le « Pas d’amalgame » ou « les Français de toutes origines » et appelant à « l’Union nationale ». Pas un mot sur les causes, pas un mot sur les responsabilités.

    Devenu littéralement inaudible, le Front national semble avoir payé le prix fort de la pasteurisation, sans recueillir pour autant le bénéfice de la dédiabolisation car il est resté totalement marginalisé et pestiféré. Il y a là incontestablement une double limite au discours « national-républicain » : on n’a pas besoin du FN pour dire « tout le monde il est français » et confondre Français administratif et Français de civilisation ; la réalité c’est que la « conception citoyenne de la nation » n’est que le cache-sexe du communautarisme. La réalité, c’est aussi que le mot « républicain » est devenu un mot de novlangue pour signifier « politiquement correct », et que, tant qu’il ne sera pas totalement aligné sur le conformisme dominant, le FN ne rejoindra pas (quels que soient les désirs de ses dirigeants médiatiques) « l’arc républicain ».

    Certes, Marine Le Pen a tenté de reprendre la main en manifestant à Beaucaire. Et Marion Maréchal Le Pen a pu dire des choses pleines de sens sur BFM-TV : « Il y a deux problèmes qui ressortent : la montée du fondamentalisme islamiste et “l’inassimilation” de ces Français (…) Comment ont-ils pu obtenir la nationalité française alors qu’ils n’ont strictement rien de Français ? (…) Au-delà de la République c’est la civilisation française qui est attaquée. (…) Nous avons quand même voulu participer, mais pas aux côtés de ceux qui sont responsables. » Le philosophe Michel Onfray, de plus en plus au bord de la dissidence, a même déclaré : « Marine Le Pen est l’une des rares à dire que le réel a bien eu lieu. »

    Restent que les événements de janvier 2015 montrent l’extraordinaire capacité du Système à rebondir grâce à un contrôle médiatique sans faille. Ils montrent aussi qu’il est aussi vain que naïf de penser parvenir au pouvoir par une entreprise de séduction des médias. Ils montrent enfin la nécessité de structurer et de former sans concessions les acteurs de la France de demain. Ils montrent surtout le rôle déterminant des médias alternatifs et des réseaux sociaux, seules possibilités d’émission d’un autre discours.

    Le combat ne fait que commencer. Et ce n’est pas une stratégie bisounours qui permettra de le gagner.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 11 janvier 2015)

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • "Le seul vrai grand clivage aujourd’hui est celui qui oppose le peuple aux élites mondialisées"...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux évolutions idéologiques du Front National depuis l'arrivée de Marine Le Pen à sa tête...

    alain de benoist,turbocapitalisme,hollande,taubira,révolution

     

     

    Marine Le Pen n’est pas Jeanne d’Arc : elle n’entend pas des voix, elle en cherche !

    Indubitablement, le Front national qui vient de se réunir en congrès à Lyon n’est plus celui de naguère. Au comité central, les partisans de Bruno Gollnisch sont en voie de disparition. D’un autre côté, Marion Maréchal-Le Pen arrive largement en tête de l’élection interne, tandis que Florian Philippot pointe à la quatrième place. Quelle leçon tirer de ce rapport de force ?

    Je ne m’intéresse pas aux questions de personnes, mais seulement aux questions de programme et d’orientation. Il est très clair qu’il y a des sensibilités différentes au Front national, tant parmi ses responsables que parmi ses électeurs, mais elles me paraissent très surévaluées par les médias, qui savent que le grand public est toujours friand de ragots. Elles comptent pour l’heure d’autant moins que Marine Le Pen fédère sans difficulté les différents « courants ». Au demeurant, si l’on veut absolument découvrir un clivage, je dirai que celui-ci n’est pas à rechercher entre les « nationaux-républicains » et les « identitaires » (Marion Maréchal n’est pas moins antilibérale que Florian Philippot), mais plutôt entre ceux qui croient encore au clivage droite-gauche (et sont donc tentés par l’inusable mythe de l’« union des droites ») et ceux qui ont compris que le seul vrai grand clivage aujourd’hui est celui qui oppose le peuple aux élites mondialisées.

    Marine Le Pen, sortie grande gagnante du congrès, n’en fait pas moins l’objet, sur ses marges, de critiques persistantes de la part de ceux qui lui reprochent de mettre trop d’eau dans son vin. Critiques justifiées ?

    Quelles que soient les positions que le FN adoptera, il y aura toujours des maximalistes pour lui reprocher de n’être pas assez « dure » ou de ne pas aller assez loin. En chambre, la critique est toujours facile. Mais la politique a son essence propre. Elle est affaire de rapports de force et de priorités. Et surtout, elle est l’art du possible. Ceux qui veulent l’ignorer se condamnent à l’angélisme (ils rêvent d’une « politique idéale », c’est-à-dire d’une politique imaginaire), à l’activisme stérile ou à l’extrémisme pur et simple. Je ne doute pas que certains (ceux qui entrent en convulsion, par exemple, quand Marine Le Pen parle de « nos compatriotes musulmans ») adoreraient voir le FN endosser avec complaisance le costume d’extrême droite que lui tendent ses adversaires. Ce sont en général des gens qui croient qu’il suffit de vouloir (« la foi soulève les montagnes »), sans réaliser que le volontarisme dont ils se réclament n’est qu’une machine à recycler des fantasmes. Les ligues nationalistes de l’entre-deux-guerres, qui n’ont jamais vraiment cherché à parvenir au pouvoir, ne raisonnaient pas autrement.

    Il y a aussi les idiots utiles qui rêvent de voir le FN se convertir au libéralisme, histoire sans doute de le rendre compatible avec une UMP aujourd’hui divisée entre libéraux conservateurs, libéraux centristes et libéraux bling-bling. Il est vrai qu’en face, d’autres tombent dans l’excès inverse en voyant dans Marine Le Pen la dernière incarnation en date du mythe du « sauveur providentiel ». Or, Marine n’est pas Jeanne d’Arc : elle n’entend pas des voix, elle en cherche !

    Dans l’immédiat, le Front a autre chose à faire qu’à répondre à ces enfantillages. Trois tâches redoutables l’attendent, car contrairement à ce que beaucoup s’imaginent, rien n’est joué pour 2017. Il lui faut d’abord remettre de l’ordre dans un parti dont l’organisation n’est incontestablement pas le point fort. Il doit ensuite développer en profondeur son implantation locale, afin d’aborder dans les meilleures conditions possibles l’échéance des élections départementales et régionales. Enfin, il lui reste à attirer vers lui des responsables dotés d’une véritable culture de gouvernement, de futurs hommes d’État ayant compris que la logique de parti est tout autre chose que la logique d’un mouvement. Tâche déjà difficile en soi, mais qui l’est plus encore pour un parti qui doit résoudre un évident problème de crédibilité sans pour autant apparaître comme un nouveau nid de technocrates et d’énarques.

    Concernant l’immigration, Marine Le Pen, en tout cas, se refuse absolument à employer le mot « remigration ». Et vous, qu’en pensez-vous ?

    Je n’en pense rien, car j’attends encore qu’on m’explique en quoi cela pourrait consister. Dans certains milieux, le mot de « remigration » a visiblement remplacé celui de Reconquista. La Reconquista, c’est un peu brutal, un peu daté aussi (comme le disait Ortega y Gasset, « une reconquête qui dure huit siècles, ce n’est pas une reconquête, c’est autre chose »). La « remigration », c’est plus chic. Oui, mais qu’est-ce que cela veut dire ? J’ai lu avec attention toutes les mesures proposées par les tenants de la « remigration ». Ce sont des mesures qui, si elles étaient appliquées, auraient certainement pour effet de diminuer les flux migratoires, de couper certaines pompes aspirantes, de décourager d’éventuels candidats à l’immigration. Ce qui est déjà beaucoup. Je n’en ai pas vu une seule, en revanche, qui soit de nature à faire repartir vers un improbable « chez eux » – avec, on le suppose, leurs parents « de souche » – des millions de Français d’origine étrangère installés ici depuis parfois des générations et qui n’ont nullement l’intention d’en bouger. Cela dit, tout le monde n’est pas forcé d’être exigeant sur le sens des mots. Et il n’est pas non plus interdit de rêver…

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 6 décembre 2014)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Faire la différence entre « la » politique et « le » politique…

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question du politique...

    alain de benoist,turbocapitalisme,hollande,taubira,révolution

     

    Faire la différence entre « la » politique et « le » politique…

    « Faire de la politique », vaste histoire. Au fait, quelle définition donneriez-vous de la « politique » ? Action historique, entretien du « grand roman national » cher à Michelet, vision nationale et continentale à plus ou moins long terme ?

    L’immense majorité des gens qui s’intéressent à la politique n’ont pas la moindre idée de ce qu’est la politique. Il en va de même, malheureusement, de la plupart des hommes politiques. À l’ENA, on ne leur a pas appris la différence entre la politique et le politique. On leur a seulement parlé de régimes politiques, de pratique gouvernementale et de météorologie électorale. La plupart d’entre eux s’imaginent que la politique se réduit à une gestion administrative inspirée du management des grandes entreprises. C’est, là, confondre le gouvernement des hommes avec l’administration des choses, et croire qu’il faut s’en remettre à l’avis des techniciens et des experts. Dans une telle optique, il n’y aurait pour chaque problème politique qu’une seule solution optimale : « Il n’y a pas d’alternative » est un mot d’ordre typiquement impolitique. En politique, il y a toujours des alternatives parce qu’un même fait peut toujours être jugé différemment selon le contexte et les critères d’appréciation retenus.

    Une autre forme classique d’impolitique consiste à croire que les fins du politique peuvent être déterminées par des catégories qui lui sont étrangères – économiques, esthétiques ou morales par exemple. En réalité, chaque activité humaine a sa propre finalité, sa propre morale et ses propres moyens. Dire qu’il y a une essence du politique, c’est dire que la politique est une activité consubstantielle à l’existence humaine au seul motif que l’homme est, par nature, un animal politique et social, et que la société ne dérive pas, contrairement à ce qu’affirment les théoriciens du contrat, d’un « état de nature » prépolitique ou présocial.

    Dans son grand livre sur L’Essence du politique, Julien Freund a donné de la politique cette définition canonique : « Elle est l’activité sociale qui se propose d’assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la sécurité extérieure et la concorde intérieure d’une unité politique particulière en garantissant l’ordre au milieu de luttes qui naissent de la diversité et de la divergence des opinions et des intérêts. » Freund ajoute que, comme toute activité humaine, la politique possède des présupposés, c’est-à-dire des conditions constitutives qui font qu’elle est ce qu’elle est, et non pas autre chose. Freund en retient trois : la relation du commandement et de l’obéissance, la relation du public et du privé, enfin la relation de l’ami et de l’ennemi. Cette dernière relation est déterminante, car il n’y a de politique que là où il y a possibilité d’un ennemi. Si, comme le dit Clausewitz, la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens, c’est que le politique est intrinsèquement conflictuel. Il en résulte qu’un monde sans frontières serait un monde d’où le politique aurait disparu. C’est en ce sens qu’un État mondial est une absurdité.

    Il faut dire encore que la politique n’est pas un domaine, mais une dimension de la vie sociale. Qu’elle n’est pas une science gouvernée par la raison, mais un art gouverné par la prudence (phronèsis). Qu’elle s’appuie sur le droit mais ne s’y réduit pas, car le droit n’est pas porteur de contrainte. La politique, enfin, ne se fait pas avec de bonnes intentions, mais en sachant ne pas faire de choix politiquement malheureux. Agir moralement n’est pas la même chose qu’agir politiquement (vertu morale et vertu civique ne sont pas la même chose).

    Et la notion de bien commun ?

    Le bien commun n’est pas synonyme de l’intérêt général, c’est-à-dire de l’addition des intérêts particuliers. Dans l’expression, le mot qui compte est « commun ». Le bien commun, que Tocqueville appelait « bien de pays » (on trouve aussi chez Hobbes l’expression « bien du peuple »), est un bien dont chacun est appelé à bénéficier, mais qui ne peut faire l’objet d’un partage : on n’en jouit que parce qu’il est la chose de tous. La politique est le royaume du commun. C’est la raison pour laquelle le libéralisme est intrinsèquement négateur de l’essence du politique, puisqu’il ne connaît que des intérêts particuliers et assigne pour seule mission à l’État de garantir des droits individuels (la très libérale Margaret Thatcher prétendait que « la société n’existe pas »).

    Qu’on apprécie ou non sa vision politique, la dernière figure nationale à faire de la politique, depuis l’éviction de Montebourg et le départ annoncé de Jean-Luc Mélenchon, ne serait-elle pas Marine Le Pen ? Que vous inspire sa trajectoire ?

    Marine Le Pen est, à mon avis, une vraie femme politique. Sa volonté affirmée de se dégager du vieux clivage droite-gauche, ainsi que l’avait fait avant elle le général de Gaulle, me semble en être une preuve. Cela dit, on peut évidemment discuter de ses orientations et de ses choix. Pour l’heure, j’espère qu’elle a bien compris qu’en 2017, il est vital pour elle, non seulement d’accéder au second tour, mais de s’y retrouver face à un représentant de la majorité actuelle. Dans cette optique, son adversaire principal est évidemment l’UMP.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 12 septembre 2014)

     

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Que devient le Front national ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une excellente analyse de Jean-Louis de Morcourt, cueillie sur Nouvelles de France et consacrée à la transformation du Front national...

     

    Front national.jpg

    Que devient le Front national ?

    Depuis que Marine Le Pen a succédé à son père à la présidence du Front National, ce parti a été affecté par des changements de fond. Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, force est de constater que ces évolutions obéissent à une logique cohérente.

    La fin du nationalisme folklorique

    « Marine Le Pen a compris ce qu’est la politique : un moyen d’accéder au pouvoir, pas une façon de ‘témoigner’ ou de rassembler une ‘famille’. Je porte à son crédit d’être restée sourde aux piaillements des excités de tout poil, des anciens combattants des guerres perdues, des revenants de ceci ou de cela, des nostalgiques des régimes d’avant-hier et des époques révolues », déclare le philosophe Alain de Benoist. Il est maintenant entendu qu’a contrario de son père se contentant du rôle de porte-parole d’une France traditionnelle ayant une fâcheuse tendance à fonctionner comme une réserve indienne, Marine Le Pen désire accéder au pouvoir et est prête à s’en donner les moyens. Il est d’ailleurs à noter que malgré son opposition idéologique avec Nicolas Sarkozy, la démarche de la candidate frontiste de faire intégrer à son parti une culture du résultat est très proche de celle conduite au sein de l’UMP par l’ancien président.

    Une constante dans l’histoire des mouvements classés à la droite de la droite est que selon un processus darwinien logique, ils finissent toujours par être dominés par ceux qui d’une part savent ce qu’ils veulent, d’autre part sont prêts à payer et à faire payer le prix pour l’obtenir sans être limités par des inhibitions mal placées. Ce processus a notamment été à l’œuvre au début du siècle dernier au sein du courant royaliste, les partisans d’une restauration à l’identique de l’ancien régime étant supplantés par les « royalistes positifs » de l’Action Française. Comme illustré par le politologue Patrick Buisson dans son livre 1940-1945 Années érotiques, c’est également ce processus qui s’est produit au sein du régime de Vichy, les tenants de « l’ordre moral » étant peu à peu supplantés par ceux de « l’ordre viril ». Il s’est plus tard répété au sein de l’Organisation Armée Secrète, comme le montre le journaliste Robert Buchard, voyant le général catholique Raoul Salan menant un combat « pour l’honneur » céder la place à l’ex-leader étudiant Jean-Jacques Susini. Cela se vérifie enfin aujourd’hui au sein du Front National, au sein duquel la vieille garde d’anciens combattants axée sur les valeurs cède la place à un aréopage ayant fait sienne la tautologie du spin-doctor britannique Alastair Campbell : « Sans le pouvoir, on ne peut rien faire ».

    Une évolution idéologique, sociologique et structurelle cohérente

    Comme relevé par le think tank socialiste Terra Nova, en dehors de la fameuse « dédiabolisation » de son parti, la principale innovation apportée par Marine Le Pen consiste en la définition d’une offre politique cohérente. Tout en conservant l’axe souveraino-identitaire historiquement défendu par le parti, Marine Le Pen tourne par contre le dos à la doctrine économique libérale du FN historique en promouvant un programme de protection sociale, tout en réduisant son engagement sur l’axe moral. Cette mutation idéologique vise autant à acter qu’à encourager la mutation sociologique de la base électorale du FN, passant selon le mot du philosophe Alain de Benoist  « de l’incarnation de la droite de la droite à l’incarnation du peuple de France ». Prenant acte de la forte rétraction de la sociologie catholique traditionaliste ayant constitué à l’origine les gros bataillons du parti, ainsi que de l’impasse sociologique du « national-libéralisme » théorisé par le Club de l’Horloge, Marine Le Pen l’oriente à présent vers un programme de défense globale des classes populaires précarisées. Le calcul est simple : pour assurer le succès institutionnel de l’axe souveraino-identitaire, il est nécessaire de sacrifier les axes moraux et libéraux peu rentables voir contre-productifs au plan électoral.

    Cette évolution sociologique n’est du reste pas seulement motivée par des considérations de quantité électorale, mais également de qualité militante. « Face au remplacement de population, je ne crois pas du tout à une réaction des élites bourgeoises, le voudraient-elles que leur conformisme timoré les en empêcherait. La réaction viendra des petits cols blancs déracinés », prophétisait l’historien Bernard Lugan interviewé par le futur président du Front National de la Jeunesse Julien Rochedy. Si l’on postule que l’objectif premier est la défense de l’axe souveraino-identitaire, alors les meilleurs militants pour le défendre seront ceux pour qui il constitue un impératif vital, par opposition à ceux pour qui il n’est qu’une préoccupation secondaire comparée au fait de pouvoir « monter sa boîte ». Ceci explique par ailleurs la non-participation de Marine Le Pen aux manifestations contre la loi Taubira, parfaitement logique si l’on tient compte du fait que son cœur électoral ne peut littéralement pas se payer le luxe de s’intéresser à ce qui se passe dans le Marais.

    Différencier les combats électoraux et idéologiques

    Une erreur classique commise par nombre de nos sympathisants est de confondre le combat idéologico-spirituel et le combat électoral. Le premier vise à diffuser des idées dans l’opinion publique et auprès des décideurs, le second vise à gagner des élections, deux démarches qui n’obéissent pas à la même logique. Une erreur d’analyse fondamentale commise par de nombreuses personnes est d’avoir cru que le mouvement d’opposition à la loi Taubira était le signe d’un retour au premier plan de la morale individuelle dans le débat public. Or, les manifestants ayants pris part au mouvement de l’an dernier ne seraient pour la plupart jamais descendus dans la rue en l’absence des provocations gratuites de nos adversaires, en particulier d’une Christiane Taubira glosant à l’infini sur le changement de civilisation, comme le reconnait le politologue socialiste Gaël Brustier. Les manifestants du printemps 2013 ne se sont pas tant battus contre le mariage homosexuel que pour la défense de notre civilisation, ce qui ne s’inscrit pas dans la même logique.

    Cette erreur d’analyse est parfaitement illustrée par l’échec de la liste Force Vie impulsée par Christine Boutin lors des élections européennes de mai dernier, à la suite d’une campagne mêlant posture antisystème peu crédible de la part de l’ancienne ministre chiraquienne et niaiseries catéchistes sur le « paganisme » supposé du FN. Les 0,78% des voix obtenus par cette liste émanant d’un Parti Chrétien Démocrate purement identifié comme défenseur des valeurs morales auront fait pâle figure face aux 25% d’un FN faisant le plein des participants aux manifestations du printemps 2013 malgré l’absence de sa présidente. Ce résultat devrait faire réfléchir ceux qui ont analysé le succès des Manifs pour tous comme l’expression d’un désir d’une société de béatitude intégrale fleurant bon la Bibliothèque rose, et qui ont une fâcheuse tendance à confondre politique et rassemblement de boys scouts.

    Conclusion : d’un parti de témoignage à un parti politique

    « Constituée d’hommes bien nés qui ne veulent pas se donner le ridicule de mourir pour une idée, la vraie droite n’est pas sérieuse, » énonce Jean Raspail dans la préface de son Camp des saints. Ceux qui dénoncent le fait que le FN devienne soi-disant un parti de gauche déplorent en réalité le fait qu’il devienne un parti sérieux. Le prix à payer pour qu’il soit en capacité d’accéder au pouvoir est de passer par pertes et profits les états d’âme de ceux dont la connaissance encyclopédique de l’histoire de France ou de la Bible, voir la truculence de bon vivant, n’a souvent d’égal que l’inefficacité politique.

    Jean-Louis de Morcourt (Nouvelles de France, 13 septembre 2014)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Quand Jean-Paul Brighelli sort le lance-famme !...

    Professeur en classes préparatoires, défenseur de l'élitisme républicain, Jean-Paul Brighelli est l'auteur, notamment, de nombreux essais sur le système éducatif, comme La fabrique du crétin : la mort programmée de l'école (Jean-Claude Gawsewitch, 2005).

    Au cours des dernières semaines, il a publié quelques textes particulièrement incisifs dans lesquels il règle ses comptes avec la gauche (« Le hollandisme, maladie infantile du socialisme ») et les pédagogistes, tout en soulignant les vertus du programme éducatif du Front national, développé par le collectif Racine (« Et si le diable sauvait l'école ? »). Ces prises de position lui ont bien évidemment valu d'être traité de réac, de facho ou de quasi-nazi sur divers sites fréquentés par la gauche enseignante (et bêlante...). Vous pouvez découvrir ci-dessous la réponse cinglante de Jean-Paul Brighelli, cueillie sur son blog Bonnet d'âne

     

    Lance-flamme.jpg

    Pour faire le portrait du FN

    Que trouve-t-on dans le chaudron de la Sorcière ?
    (Oubliez la bave de crapaud et les testicules de chauve-souris — nous sommes au XXIème siècle, queue diable, pas au début de Macbeth !)

    Dans le chaudron de la Sorcière, il y a une bonne pincée de Front de Gauche — tout le discours anti-capitaliste et anti-européen. Une poignée de Mouvement Républicain et Citoyen, les héritiers de Chevènement, qui d’ailleurs touillent parfois eux-mêmes la tambouille, assaisonnée de républicanisme exaspéré et de souverainisme jacobin. Quelques miettes encore de l’ancienne xénophobie, l’ombre de Léon Daudet pour l’anti-judaïsme, et le Café du Commerce pour les couplets sur l’immigration. Presque rien de la Droite traditionnelle, qui sert davantage de repoussoir que de modèle (alors que l’UMP, elle, voulait s’inspirer du FN — encore des gens qui n’ont rien compris, et qui se sont laissé manipuler par un Buisson dont l’objectif évident était de couler la Droite pour renflouer le Front, ses anciennes amours de toujours). À la Gogoche traditionnelle (mais tout le monde sait bien que cette opposition Droite/Gauche est un pur fantasme, un souvenir de grand-papa, rien qui corresponde encore à un état de fait), la Sorcière a pris… la lutte des classes, négligée par ces bobos de centre-ville qui ignorent qu’il se passe quelque chose en dehors du Faubourg Saint-Germain et du Marais : je racontais cela dans un billet précédent. Elle s’est dit que le libéralisme n’était pas la solution, mais le problème : pile le contraire de ce que racontait le Menhir — mais bon, les filles parfois gagnent à tuer papa.
    Pour ce qui est de l’Ecole, on trouve dans le chaudron l’état des lieux dressé par tant de polémistes de génie et d’idéologues de premier plan, de Polony à Michéa en passant par Milner. Je ne me compte pas dans le lot, parce que je n’ai pas le talent de tant d’illustres devanciers, même si la Sorcière et ses affidés m’ont emprunté pas mal de formulations ; mais après tout, Rama Yade, il y a trois ou quatre ans, avait sorti un livre émaillé de citations non signalées d’une certaine Autopsie du Mammouth chroniquée ici-même, et si on s’en était moqué,  personne ne lui en avait fait le reproche, sinon celui de plagiat : quand Marine Le Pen en use de même, les faits cesseraient d’être vrais ? Allons donc ! Voici donc la Sorcière se réclamant de l’antipédagogisme, parce qu’elle a remarqué (elle, elle sort dans l’infra-monde où se débattent les électeurs et les mort-de-faim) que les papys, mamies et autres géniteurs au premier et au second degré se désolaient de voir leur progéniture rentrer de l’école plus ignorante qu’elle n’y était entrée, et que les fadaises et turpitudes des Cahiers pédagogiques étaient un admirable terreau pour son mouvement bleu-Marine. Si Meirieu n’avait pas existé, le FN aurait plusieurs millions d’électeurs de moins : les vrais « malgré-nous » de l’extrême-droite, ils sont là, et pas ailleurs. Et c’est moi qu’ils accusent, les gueux !
    J’exagère : ils sont aussi dans les médias, qui alimentent merveilleusement le fantasme. À la façade d’un kiosque à journaux de la Canebière, il y a dix minutes, grand panneau célébrant le Nouveau Détective : « T’es blanche, tu manges du porc, on va te violer ». Cent électeurs de plus pour le Front à chaque minute — surtout dans un centre-ville sérieusement basané. À chaque règlement de compte dans les Quartiers Nord marseillais, 100 000 électeurs de plus. Ah oui, mais Marseille, c’est spécial : tu me fais frissonner la peau des roubignolles, pauvre cloche, Marseille est le laboratoire, l’avant-garde, la ville sacrifiée — Marseille, c’est demain. 40% pour la Sorcière dans certains quartiers, 60% demain. Grande bascule. On va se marrer.

    Vous en voulez encore ? À chaque connivence médiatico-politique, cent mille électeurs de plus. À chaque discours de Hollande (avez-vous entendu sa performance pour le 6 juin ? Ils n’ont pas un historien capable de singer Malraux, au PS ? Et tous les connards d’Aggiornamento, qui me vomissent sur les pompes — crac ! 100 000 électeurs de plus, à chaque dégueulis de la Pensée Unique ! —, pourquoi ne volent-ils pas au secours du grand homme, eux qui se prétendent historiens ?), un million de voix de plus. Pris dans le métro du FN. Un métro de sensations, pas un raisonnement construit, juste du passionnel. C’est ça qui marche, surtout en temps de crise. Et la Crise, ça fait bientôt quarante ans.
    Et ça ne s’arrêtera pas là. Ce qui est beau dans les mouvements populaires, c’est qu’ils vont de l’avant — ils ne se retournent jamais, ou alors après coup. Soit Marine est élue en 2017, et ça va faire mal, soit elle ne l’est pas, et ça va faire mal — parce que la Gauche méprise le peuple, et que le peuple a commencé à se venger. Ça sent mauvais, le peuple. Ça pue des pieds, à force de faire la queue à Pôle Emploi. Ça vocifère sur les bougnouls, tout en n’étant pas vraiment raciste, parce qu’ils l’ont sous les yeux, eux, l’Arabe du quartier. Ce n’est certainement pas à lui qu’ils feront mal, quand ça tournera au vinaigre : c’est aux intellos qui les ont trahis, aux profs qui ne les éduquent plus, aux flics qui ne les protègent plus — z’ont trop à faire à se protéger eux-mêmes. Ségolène Royal, qui a tous les défauts du monde mais qui ne manque pas d’intuition, proposait jadis d’envoyer l’armée dans les quartiers : trop tard, il fallait le faire il y a dix ans. À vous tous qui regardez vos petites menottes bien blanches, vos mains qui jamais ne se saliraient à aller voir de quoi la boue est faite, ils arracheront les yeux. Et ce sera justice.
    Pour rire, pour voir les réactions des sycophantes, je me fends donc d’un article sur les propositions (pleines de bon sens, nous disons tous cela dans les salles de profs — tous, y compris ceux qui me cherchent des poux dans le slip) du FN en matière d’éducation. Et j’entends aussitôt le chœur des indignés, des profs à colliers de barbe, inscrits au SGEN, conscience pure, intellect en jachère — mais l’envie de me pendre par les pieds, pour voir ce que j’ai sous mes jupes. Le Point Godwin à portée de menotte, et le trouillomètre à zéro. Eux aussi, ils la voient arriver au pouvoir gros comme une maison, la Sorcière. Un délicieux soupçon leur hante le scrotum.
    Et alors on établira les responsabilités, les complicités actives et passives — et la première chose à faire, ce sera de se débarrasser de ces foies jaunes, les petites mains de la protestation molle, les agités de la pensarde. Vous vous croyez intelligents ? Mais les sorcières ont oublié d’être stupides ! À part des anathèmes (crac ! 100 000 voix de plus chaque fois qu’un média la taquine !), que savez-vous faire ? Est-ce que vous irez vous battre dans la rue, quand on en sera là — dans trois ans, peut-être avant ? Combien d’entre vous se sont déjà affrontés à des nervis bien entraînés ? Combien le feraient ?
    Crapules, va ! Petites crapules ! Pédagos !
    Vous voulez changer l’Ecole ? Eh bien, demandez-vous sérieusement quel est le chat capable d’attraper des souris, comme disait le vieux Deng !

    Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 13 juin 2014)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • La situation après les élections du 25 mai...

    Nous avons cueilli sur RussEurope un entretien donné par l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir au site italien Antidiplomatico et consacré aux résultats des élections européennes...

     

    euroscepticisme.jpg

    La situation après les élections du 25 mai

    Aux élections européennes du 25 mai, c’est de France qu’est arrivé à Bruxelles  le message le plus fort avec le Front national comme premier parti du Pays et son programme qui demande clairement la sortie de l’Euro. Il s’agit d’un véritable tremblement de terre comme l’a défini le premier Ministre Manuel Valls. D’après vous qu’est-ce qui a poussé les Français à faire ce choix ?

     

    Le choix des français s’est fait pour de nombreuses raisons lors de ces élections. Certaines tiennent à la nature du processus dit de construction européenne. Il est clair que pour beaucoup, voter pour le Front National c’était envoyer le message le plus clair à Bruxelles que l’on refusait tant l’Euro que l’UE. De ce point de vue, si d’autres partis, comme le Front de Gauche, avaient eu des positions plus claires, et plus compréhensibles, le résultat aurait pu être un peu différent. Les progrès réalisés par le parti « gaulliste » Debout la République, qui a presque atteint les 4% des votes est symptomatique de ce qu’un discours clair est immédiatement porteur dans ce contexte.

     

    D’autres raisons tiennent à la situation particulière qu’il y a aujourd’hui en France. Il y a en particulier une montée de l’exaspération contre la politique d’un gouvernement, et d’un Président, qui défait aujourd’hui ce que près de quarante années de luttes sociales avaient construit. Ici encore, à tort ou à raison, le Front de Gauche n’a pu recueillir la part qui était logiquement la sienne dans ce vote d’exaspération en raison de position peu lisibles par l’électorat. Pourtant, la sanction par rapport au vote PS a été très claire et l’effondrement de la popularité de François Hollande le confirme.

     

    Enfin, il y a un vote d’adhésion aux thèmes développés depuis maintenant un peu plus de trois ans par le Front National. Dans ces thèmes, il ne faut pas sous-estimer (ni sur-estimer d’ailleurs) un sentiment si ce n’est de xénophobie mais en tous les cas de lassitude face à l’immigration telle qu’elle se développe aujourd’hui. Pour de nombreux français aux revenus très modestes, les nouveaux arrivants sont en concurrence directe avec eux sur de nombreux points (comme l’obtention de logements ou la santé). Je remarque d’ailleurs que de nombreux français issus de l’immigration des années 1960 à 1980 ont voté Front National. Il suffit d’analyser le vote quartier par quartier pour le voir. Ainsi, dire que ce vote est un vote « raciste » est une idiotie complète, même s’il y a des racistes au Front National, comme il y en a d’ailleurs dans d’autres partis, hélas. Mais, on a mal mesuré le sentiment de vulnérabilité des française des classes populaires à l’arrivée de la vague actuelle d’immigration. Très souvent ce sont des anciens immigrés, naturalisés français, qui se sont intégrés dans la société française, et qui considèrent que les nouveaux arrivants ont plus de droits qu’eux ou mettent en cause les mêmes budgets sociaux sur lesquels ils ont des avantages. Ce phénomène explique le basculement vers le vote Front National des Français les plus modestes.

     

    De ce point de vue, les manifestations des jeunes lycéens et étudiants, guère plus de quelques milliers pour toute la France, ont été très symptomatiques. Dans le cas de la manifestation de Paris, qui a été la plus importante, vous aviez presque uniquement des « blancs » et des « bourgeois ». Il n’y avait pratiquement pas de jeunes issus des lycées professionnels. Aujourd’hui la « protestation » contre le vote FN ne se manifeste que dans les classes supérieures de la société et c’est sans doute cela le véritable « tremblement de terre ».

     

    Le prochain Parlement européen accueillera trois groupes qui se sont opposés dans leurs campagnes électorales aux politiques de Bruxelles, Berlin et Francfort, avec à leur tête :  Marine Le Pen,  Nigel Farage et pour la gauche A. Tsipras. Réussiront-ils à créer un bloc d’opposition compact pour empêcher la technocratie européenne de continuer dans son projet d’austérité ?

     

     

    Je ne crois pas. Je ne sais pas si le Front National va réussir à constituer un groupe au Parlement Européen, mais il est clair qu’il y a trop de différences entre le FN, UKIP ou Syriza. En un sens, ceci vérifie le fait qu’il n’y a pas de peuple européen et que la dimension nationale du vote est toujours prééminente. Après, il est possible qu’au moment des votes des alliances se réalisent, et ceci est même à souhaiter.

     

     

    Le PPE et le PSE seront obligés de tomber les masques du rôle de la fausse opposition  et finiront, comme c’est le cas dans différents pays, par se coaliser pour former la prochaine Commission. Ne craignez-vous pas que ces « ententes européennes élargies » ne favorisent une ultérieure perte de souveraineté nationale, sans tenir compte du cri de détresse qu’ont lancé les peuples européens ?

     

    Je crains qu’hélas ce cri de détresse ne soit pas entendu, parce que les partis du PPE et du PSE ont systématiquement ignorés les réactions et les réticences des peuples depuis maintenant près de 25 ans. Nous aurons une coalition pour faire du Parlement Européen une chambre d’enregistrement de décisions technocratiques prises par la commission.

     

     

    D’après vous, quels sont les premières mesures que les nouveaux groupes eurosceptiques qui se sont créés au Parlement européen devraient proposer dans les trois mois ?

     

    Si une alliance est possible, elle devrait se faire autour des mots d’ordres suivants. Tout d’abord, interruption des négociations avec les Etats-Unis du traité de libre-échange transatlantique. C’est un traité léonin, qui va contribuer encore plus au démantèlement du modèle social européen. On a aujourd’hui la preuve que la politique des Etats-Unis est extraordinairement agressive contre l’Europe et les européens. Ensuite, ces partis devraient s’entendre pour refuser toute mesure aggravant les politiques d’austérité qui sont aujourd’hui mises en œuvre en Europe. Sur cette base, il est même possible que des alliances de circonstances soient possibles avec le groupe des « Verts », voire avec certains membres du PSE.

     

     

    La propagande pré-électorale des gouvernements au pouvoir et de Bruxelles        voulait nous rassurer sur la situation économique actuelle, toutefois les économies   de l’Italie, de la Hollande et du Portugal se sont contractées et la France est dans une situation de stagnation. De surcroît, la zone euro est dans une situation de basse inflation – déflation pour de nombreux pays – qui rend de moins en moins soutenable la trajectoire débit/PIB. Dans un tel contexte, pensez-vous que la zone euro risque de connaître une nouvelle crise qui pourrait remettre en question les outils créés ou bien que  «  le pire est derrière nous »  comme on nous le dit ?

     

    Le risque d’une nouvelle crise est d’ores et déjà présent. C’est cela qui obligé M. Mario Draghi, le Président de la Banque Centrale Européenne à agir le 5 juin. Mais, les limites de son action montrent aussi son impuissance de fond. Les seules choses qu’il a pu faire ont été d’introduire un taux négatif sur les dépôts et de mettre en place un nouveau LTRO (1) au profit des banques pour un montant de 400 milliards d’euros, au moment d’ailleurs où il faudra rembourser le premier. Ce n’est absolument pas l’équivalent du « quantitative easing » de la réserve fédérale. On sait que les taux négatifs ont une efficacité plus que limitée. Quand au LTRO, il y en avait déjà eu un en 2012. Il est donc intéressant de regarder comment a réagi le taux de change entre l’Euro le Dollar. Le 5 juin au matin, il était tombé à 1,35 USD pour 1 Euro. Il est remonté à 1,36 dès le soir. C’est la preuve que Draghi n’a plus cette capacité qu’il avait il y a deux ans de charmer les marchés. Ces derniers veulent du tangible. Mais, cela, Draghi ne peut le faire sans un conflit majeur avec l’Allemagne. Par ailleurs, les marchés vont maintenant regarder de très prés l’évolution de la situation dans des pays comme la Grèce, mais aussi l’Italie et la France. Touts les conditions pour une nouvelle phase de crise dans la zone Euro dès cet été ou dès septembre sont réunies.

     

    Nous savons que vous suivez de près la crise ukrainienne. Quel est votre jugement d’ensemble sur l’action de l’UE ? Quelle serait, à l’échelle européenne, la meilleure stratégie à adopter pour sortir de cette dangereuse impasse ?

     

    L’action de l’UE a été très néfaste. Elle a mis, de fait, l’Ukraine devant un choix impossible, celui entre l’Europe et la Russie. Or, compte tenu de la complexité et de la fragilité de ce pays, c’était le type même de choix qu’il fallait éviter. Ensuite, les dirigeants de l’UE ont fermé les yeux sur les dérives du mouvement populaire de la place Maidan. Ce mouvement, commencé comme une protestation contre la corruption du régime, a commencé à dériver dès le mois de décembre 2013 quand il a été hégémonisé par des partis d’extrême-droite. Enfin, l’UE a soutenu implicitement le coup d’Etat qui a provoqué le départ du Président Yanoukovitch. Or, un accord avait été signé entre l’opposition et le pouvoir et des élections étaient normalement prévues. Mais, tout cela a été balayé par le coup d’Etat. Désormais, nous vivons une crise de l’Etat ukrainien, avec des référendums d’auto-détermination qui se sont tenus dans la partie est du pays, et qui conduit désormais à une véritable guerre civile. Le gouvernement de Kiev utilise ses avions et ses hélicoptères contre les insurgés, c’est à dire le même niveau de violence qui avait été le prétexte à une intervention en Libye et qui avait suscité l’émotion de la communauté internationale en Syrie. Il serait urgent que l’UE fasse pression sur les autorités de Kiev pour qu’elle proclame un cessez le feu et qu’elles ouvrent immédiatement des négociations inconditionnelles avec les insurgés. Au-delà, il est clair qu’il faut des élections à une Assemblée Constituante, qui seule pourra déterminer la nature et le degré de fédéralisation du pays, et un engagement de toutes les parties extérieures en présence, tant l’UE que la Russie, de respecter l’indépendance et la neutralité de l’Ukraine.

     

     

    En tant qu’économiste de référence en la matière, pensez-vous que les résultats de ces dernières élections ont renforcé la bataille intellectuelle contre la monnaie unique ou non ?

     

    Je pense que c’est parce que nous avons marqué des points importants dans le combat intellectuel que l’on a eu des résultats marqués par cette vague d’euro-scepticisme aux dernières élections du 25 mai. Mais, il est dans le même temps clair que le résultats de ces élections, tant le niveau d’abstention que la montée des forces euro-sceptiques, va rendre bien plus audible les discours que nous tenons depuis des années sur l’Euro.

    Jacques Sapir (RussEurope, 7 juin 2014)

     

    Note :

    1- Long term refinancing operations, prêts à long terme accordés aux banques par la BCE.

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!